Dans les greniers abandonnés, les enfants oublient parfois de ranger leur chambre.
Quelles mignonnes mansardes, sous les toits parisiens, l'endroit rêvé pour mener une vie de bohème
dimanche 29 juin 2014
samedi 7 juin 2014
Cheminées d'usine arc-en-ciel
Surgissant des bords de la Seine, deux cheminées rainbow-style, c'est Ivry, c'est la fée électricité qui surgit depuis de grosses turbines.
Publié par
Dr Gonzo
Référencé dans :
Paris,
pays de l'or noir
Sur le trottoir
La nuit est moite, le candélabre répand une lumière liquide à travers les feuilles lourdes du marronnier.
Sur le trottoir du quartier pavillonnaire, sa cigarette fume. Jambes croisées ou adossée à un réverbère, la putain attend son client.
Sur le trottoir du quartier pavillonnaire, sa cigarette fume. Jambes croisées ou adossée à un réverbère, la putain attend son client.
dimanche 4 mai 2014
Angles et agressions
L'Institut du Monde Arabe et la faculté de Jussieu, à Paris.
Bienvenue dans l'architecture déshumanisée, sombre et claire, réfléchissante, anguleuse et agressive.
Des beautés formelles de barres parallèles, il y a du travail derrière, tout ça pour créer des édifices du futur où l'échelle de l'homme n'a plus sa place. A première vue tout est vitré, certes, mais point de transparence : comme le siège de la NSA, le verre réfléchit seulement le regard interrogatif du passant ou du pigeon qui se demande quels obscurs secrets doivent être cachés à l'intérieur.
Les codes nucléaires ?
Les tables de la Loi du Bon Goût, caché à jamais au pauvre quidam ?
Bienvenue dans l'architecture déshumanisée, sombre et claire, réfléchissante, anguleuse et agressive.
Des beautés formelles de barres parallèles, il y a du travail derrière, tout ça pour créer des édifices du futur où l'échelle de l'homme n'a plus sa place. A première vue tout est vitré, certes, mais point de transparence : comme le siège de la NSA, le verre réfléchit seulement le regard interrogatif du passant ou du pigeon qui se demande quels obscurs secrets doivent être cachés à l'intérieur.
Les codes nucléaires ?
Les tables de la Loi du Bon Goût, caché à jamais au pauvre quidam ?
Ci-gisent les lignes courbes. Qu'elles reposent en paix.
lundi 21 avril 2014
Passants
Sans vouloir refaire le coup de Strangers In The Night...
Les inconnus en imper qui font claquer leurs chaussures sur les pavés brillants de pluie, les silhouettes découpées dans les phares de voiture...
Si ça ne rappelle pas Sinatra, ça évoque forcément Bogart, le privé en planque, le feutre mou qui cache le regard et protège le mégot incandescent de la bruine, le Colt dans la poche, et la femme fatale qui va foutre en l'air l'enquête...
Les inconnus en imper qui font claquer leurs chaussures sur les pavés brillants de pluie, les silhouettes découpées dans les phares de voiture...
Si ça ne rappelle pas Sinatra, ça évoque forcément Bogart, le privé en planque, le feutre mou qui cache le regard et protège le mégot incandescent de la bruine, le Colt dans la poche, et la femme fatale qui va foutre en l'air l'enquête...
Dans la ville ensoleillée
A Paris sous le soleil,
Il y a des visages figés, énigmatiques et froids.
Il y a des visages derrière des grilles, et des grilles devant des ombres.
Dans la ville éclaboussée de soleil,si tu veux croiser quelqu'un de réel, il reste toujours les statues.
Il y a des visages figés, énigmatiques et froids.
Il y a des visages derrière des grilles, et des grilles devant des ombres.
Dans la ville éclaboussée de soleil,si tu veux croiser quelqu'un de réel, il reste toujours les statues.
mardi 8 avril 2014
Demoiselle Pommery
Dans les humides caves de l'illustre Champagne,
La blanche Demoiselle, épanouie, se pavane.
La Dame Pommery en bas-relief de chaux
Veille sur ses satyres du fond de son cachot.
samedi 29 mars 2014
Au vieux boucher
Il y a, autour, la jolie petite
boulangerie avec ses jolies boulangères niaises ; la maison du photographe
à la façade art-déco ; la mairie néo-normande du début du XXè siècle,
briques et meulière, gerbes de fleurs autour du monument au mort ; il y a,
enfin, la brasserie qui rappelle le Paris tout proche, et les nouvelles
constructions qui singent le hausmannien, toitures inclinées en zinc, rainures
dans le béton pour imiter les séparations de pierre de taille et balcons forgés
alignés, bien comme il faut pour les bourgeois soucieux d’investir mais
réticent à trop d’audace architecturale. Le post-moderne, c’est bon pour les
artistes et les bachi-bouzouks, rigolent-ils autour d’un apéro dinatoire.
Et, donc, au milieu de cette
joliesse parfois authentique, parfois pastichée, reste le vieil étron de la rue
commerçante, avec son traiteur aux rideaux kitschs descendus pour toujours. Sa
vitrine sert à placarder des affiches pour la prochaine brocante du Lions Club,
le dernier album de Tunisiano ou des petites annonces de ménage. A la grande
époque, le patron avait fait peindre sur la devanture un petit cochon, Naf-Naf
vraisemblablement (il est vêtu de bleu, comme un maçon ; et puis c’est
écrit sur ses fesses). L’ultime anthropomorphisme du porcelet tout heureux de
se faire découper chez son charcutier favori, avec du persil dans le nez !
A la vérité ce traiteur abandonné, ce vieux boucher rappelle furieusement les faubourgs d’il y a un demi-siècle, un siècle, les quartiers populaires juste au-dessus de la misère, ceux que Doisneau a tenté de magnifier et que Céline a dépeint dans tout leur dépouillement sordide. « Quand on habite à Drancy, on ne se rend même plus compte qu’on est triste ». Le juste milieu, ni romantique ni infernal, ces cours des Miracles peuplées d’escrocs salaces, de vieux dégueulasses et de blanches colombes, c’est peut-être l’ami Georges qui l’a le mieux dépeint, par exemple dans « La Princesse Et le Croque-Notes », ou mieux encore, « Le Bistrot » dont les paroles sont reproduites en fin d'article.
C’est un vieux reste de cette époque qui
subsiste au cœur du petit centre commerçant mignon. La grosse verrue subsiste
certainement à la grâce de quelque propriétaire acharné que la Mairie n’arrive
pas à exproprier. Quand, enfin, des pelleteuses mettront par terre le traiteur-charcutier
du « Bec Fin », personne ne pourra être sérieusement déçu. Bof ;
personne ne peut avancer que c’était mieux avant. Au moins restera-t-il ces
quelques photos, témoignage d’un passé peu glorieux.
Mais…Après tout…Personne n’a dit
qu’on ne devait se rappeler que des joyeuses visions de jeunes filles
tournicotant dans leurs jupons de tulle blanc immaculés dans les rayons du
soleil de printemps au milieu de la verdure parsemée de la rosée virginale du
matin annonciateur de promesses glorieuses d’éternité bla-bla-bla ?
Si ? On n’a droit qu’aux bons souvenirs ?
Dans un coin pourri
Du pauvre Paris,
Sur un' place,
L'est un vieux bistrot
Tenu pas un gros
Dégueulasse.
Si t'as le bec fin,
S'il te faut du vin
D' première classe,
Va boire à Passy,
Le nectar d'ici
Te dépasse.
Mais si t'as l' gosier
Qu'une armure d'acier
Matelasse,
Goûte à ce velours,
Ce petit bleu lourd
De menaces.
Tu trouveras là
La fin' fleur de la
Populace,
Tous les marmiteux,
Les calamiteux,
De la place.
Qui viennent en rang,
Comme les harengs,
Voir en face
La belle du bistrot,
La femme à ce gros
Dégueulasse.
Que je boive à fond
L'eau de toutes les fon-
taines Wallace,
Si, dès aujourd'hui,
Tu n'es pas séduit
Par la grâce.
De cette joli' fée
Qui, d'un bouge, a fait
Un palace.
Avec ses appas,
Du haut jusqu'en bas,
Bien en place.
Ces trésors exquis,
Qui les embrasse, qui
Les enlace ?
Vraiment, c'en est trop !
Tout ça pour ce gros
Dégueulasse !
C'est injuste et fou,
Mais que voulez-vous
Qu'on y fasse ?
L'amour se fait vieux,
Il a plus les yeux
Bien en face.
Si tu fais ta cour,
Tâche que tes discours
Ne l'agacent.
Sois poli, mon gars,
Pas de geste ou ga-
re à la casse.
Car sa main qui claque,
Punit d'un flic-flac
Les audaces.
Certes, il n'est pas né
Qui mettra le nez
Dans sa tasse.
Pas né, le chanceux
Qui dégèlera ce
Bloc de glace.
Qui fera dans l' dos
Les corne' à ce gros
Dégueulasse.
Dans un coin pourri
Du pauvre Paris,
Sur un' place,
Une espèce de fée,
D'un vieux bouge, a fait
Un palace.
Du pauvre Paris,
Sur un' place,
L'est un vieux bistrot
Tenu pas un gros
Dégueulasse.
Si t'as le bec fin,
S'il te faut du vin
D' première classe,
Va boire à Passy,
Le nectar d'ici
Te dépasse.
Mais si t'as l' gosier
Qu'une armure d'acier
Matelasse,
Goûte à ce velours,
Ce petit bleu lourd
De menaces.
Tu trouveras là
La fin' fleur de la
Populace,
Tous les marmiteux,
Les calamiteux,
De la place.
Qui viennent en rang,
Comme les harengs,
Voir en face
La belle du bistrot,
La femme à ce gros
Dégueulasse.
Que je boive à fond
L'eau de toutes les fon-
taines Wallace,
Si, dès aujourd'hui,
Tu n'es pas séduit
Par la grâce.
De cette joli' fée
Qui, d'un bouge, a fait
Un palace.
Avec ses appas,
Du haut jusqu'en bas,
Bien en place.
Ces trésors exquis,
Qui les embrasse, qui
Les enlace ?
Vraiment, c'en est trop !
Tout ça pour ce gros
Dégueulasse !
C'est injuste et fou,
Mais que voulez-vous
Qu'on y fasse ?
L'amour se fait vieux,
Il a plus les yeux
Bien en face.
Si tu fais ta cour,
Tâche que tes discours
Ne l'agacent.
Sois poli, mon gars,
Pas de geste ou ga-
re à la casse.
Car sa main qui claque,
Punit d'un flic-flac
Les audaces.
Certes, il n'est pas né
Qui mettra le nez
Dans sa tasse.
Pas né, le chanceux
Qui dégèlera ce
Bloc de glace.
Qui fera dans l' dos
Les corne' à ce gros
Dégueulasse.
Dans un coin pourri
Du pauvre Paris,
Sur un' place,
Une espèce de fée,
D'un vieux bouge, a fait
Un palace.
Publié par
Dr Gonzo
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musique en image,
nuit,
sinistre
dimanche 9 mars 2014
Oiseaux de nuit et Picon-Bière
Et, au fait, à quoi peut ressembler Paris la nuit ? Quand tous les gens comme il faut sont partis s'encanailler dans des bars à cocktail et que les bars PMU songent à fermer boutique pour laisser la gloire nocturne aux crêperies et kebabs ?
Il reste les enseignes au néon, blafardes et intimidantes...
Il reste les rues repoussantes, dans la rue Saint-Denis, le brasseries préhistoriques où personne ne s'aventure à part quelques vieux habitués.
Les photos viennent du Quatorzième arrondissement, ses bars vintage, ses petites enseignes typiques, son allure de village pour habitants effrayés par l'extérieur et le moderne.
Le poème Gonzo vient du Premier arrondissement, près de la rue de la Grande Truanderie.
Les filtres des photos sont de fabrication Cokin. Bien sûr.
Il reste les enseignes au néon, blafardes et intimidantes...
Il reste les rues repoussantes, dans la rue Saint-Denis, le brasseries préhistoriques où personne ne s'aventure à part quelques vieux habitués.
Les photos viennent du Quatorzième arrondissement, ses bars vintage, ses petites enseignes typiques, son allure de village pour habitants effrayés par l'extérieur et le moderne.
Le poème Gonzo vient du Premier arrondissement, près de la rue de la Grande Truanderie.
Les filtres des photos sont de fabrication Cokin. Bien sûr.
PMU
Formica, couscous à volonté
Je nage
dans le beur, plonge dans le passé .
Qui a fait la poussière pour la
dernière fois ?
Ou dégraissé les lames des
stores vénitiens ?
Sur le zinc le texte
sacré : Le Parisien.
Je n’étais pas l’unique client
depuis des mois
C’est la
rue Saint-Denis, prostituées, macadam
J’errais la
bave aux lèvres sur le chemin des dames
Quand dans
le crépuscule, l’aura du bar-tabac
Chargée de
nostalgie, me jeta dans ses bras
Brave Algérien ridé, astiquant
tes couverts
D’accueillir un client, tu
n’étais pas peu fier
Tu chauffas le couscous, fis
briller les bananes
Tu servis aussitôt deux verres
de Boudaouane.
Balayés les
cafards, assoupi le poivrot,
De loin, de
l’extérieur, brillait le vieux bistrot,
Mon phare
dans la nuit, quand, repu, à la fin,
Il
m’éclairait encor pour choisir ma catin .
samedi 1 mars 2014
Réseau Express Régional
Et voilà ce qui se passe, dans la ligne B du Réseau Express Régional, un samedi soir.
Paname, Paname, Paname, Paname (paroles de MC Jean Gag'1)
Paname, Paname, Paname, Paname (paroles de MC Jean Gag'1)
Ligne B traverse la capitale, néons brulants pour cramer de tristes panoramas des petites existences isolées.
Seul, ou parfois même accompagné ?
On trompe sa solitude sous le Forum des Halles
Vite vite, où est la sortie ?
dimanche 23 février 2014
Showroom Dummies
Ce mannequin abandonné au dernier étage d'un immeuble de la grande ville, finira-t-il par s'animer ?
Comme dans les fantasmes robotiques de Kraftwerk ?
Comme dans les fantasmes robotiques de Kraftwerk ?
eins, zwei, drei, vier...
We are standing here
Exposing ourselves
We are showroom dummies
We are showroom dummies
We're being watched
And we feel our pulse
We are showroom dummies
We are showroom dummies
We look around
And change our pose
We are showroom dummies
We are showroom dummies
We start to move
And we break the glass
We are showroom dummies
We are showroom dummies
We step out
And take a walk through the city
We are showroom dummies
We are showroom dummies
We go into a club
And there we start to dance
We are showroom dummies
We are showroom dummies
We are showroom dummies
Exposing ourselves
We are showroom dummies
We are showroom dummies
We're being watched
And we feel our pulse
We are showroom dummies
We are showroom dummies
We look around
And change our pose
We are showroom dummies
We are showroom dummies
We start to move
And we break the glass
We are showroom dummies
We are showroom dummies
We step out
And take a walk through the city
We are showroom dummies
We are showroom dummies
We go into a club
And there we start to dance
We are showroom dummies
We are showroom dummies
We are showroom dummies
extrait de l'album Trans Europe Express (1977)
Publié par
Dr Gonzo
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dimanche 2 février 2014
La fête est finie
Sur son premier album solo, John Lennon, pour enterrer une bonne fois pour toutes l'utopie sixties, chanta "The Dream is Over" dans la chanson "God".
A cette fête ratée où autour de nous, des jeunes gens sérieux parlaient politique, se rappelaient en riant de répliques de sketches des Inconnus, et comparaient la taille de leurs emprunts immobiliers...
A cette fête, un ami chuchota : "On se croirait à la fin d'un mariage, à quatre heures du matin. La fête est finie, et on est les seuls à ne pas s'en être rendus compte."
dimanche 26 janvier 2014
Pour les coeurs solitaires du sergent Poivre
“He is the sweetest
guy! Have you ever looked into his eyes? It was like the first time I heard the
Beatles.”
Seth
(Jonah Hill), dans Supergrave
"- Quelle est la couleur du cheval blanc de Paul McCartney ?
- Pommelé"
Les Nuls
La pomme |
39 minutes et 50
secondes : il n’en fallut pas plus aux quatre gars de Liverpool pour
changer le monde…pas très compliqué, en fait. Creusons un peu sous les avalanches
de chiffres et statistiques (durée, puis nombre de prix, d’exemplaires vendus…)
pour explorer l’histoire de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band.
Un rapide avertissement avant de commencer : comme tout maniaque
un rien pervers, le mélomane acharné a tendance à détruire ce qu’il aime. Le
disque de ses rêves, il l’adore, le chérit, mais bientôt l’écouter ne suffit
plus. Il veut le goûter, voir ce qu’il y a dedans, il espère trouver de
nouvelles chansons entre les sillons. Tel le psychopathe qui serre dans ses
bras celle qu’il aime jusqu’à l’étouffer, il va éviscérer chaque chanson,
disséquer chaque parole, chaque accord, au scalpel, pour aller plus loin.
Souvent, lorsqu’il
se rend compte de sa bêtise (tous les petits morceaux éparpillés ne se
recollent plus, toute magie est évaporée) il est trop tard pour revenir en
arrière. Le plus éblouissant tableau de Vermeer n’est rien de plus qu’un amas
de pâtes colorées étalées sur une toile…Alors, après avoir pleuré sa perte, le
mélomane maniaque se rabat sur un autre disque, à qui il fera invariablement
subir le même sort…Dans le cas qui nous intéresse ici, l’auteur est peut-être
allé trop loin.
La grille de Strawberry Field, le vrai |
Le contexte
Les Beatles avaient
commencé leur grand virage. Après la sortie de Revolver, ils donnent leur dernier concert à San Francisco en
août 1966 : désormais, ils se consacreront au studio, leur musique étant trop
travaillée pour être jouée live. Bandes inversées, instruments classiques, tout
cela est difficile à reproduire hors cabine, d’où la trouvaille : envoyer
de petits films promotionnels, ancêtres des clips, aux télévisions, pour les
représenter à leur place en plateau. D’où les vidéos de « Day
Tripper », « Rain », entre autres, pour contenter Ed Sullivan,
Top Of The Pops… Et à Abbey Road, durant 129 jours (les « plus créatifs de
l’histoire du rock »), ils enregistreront l’album dont on parle
aujourd’hui, ainsi que le single « Strawberry Fields Forever/Penny
Lane » (un amuse-bouche plutôt consistant). Leur principal objectif est de
dépasser le sublime Pet Sounds des Beach Boys. Mais d’abord, qui est ce
groupe des cœurs solitaires ?
1967, la fin du virage psychédélique |
La pochette mettant
en scène les Beatles comme une fanfare de moustachus surannés, ainsi que les
deux chansons-titre (pistes 1 et 12) ont fait croire (a posteriori) aux
critiques du monde entier que l’on tenait là le premier
« concept-album » de l’histoire ; deux ans avant Tommy et surtout, alors que dans un studio voisin,
les Pretty Things enregistraient S.F. Sorrow, le premier opéra-rock, qui
colle mieux à la définition. Bon. Concept ou pas, on peut surtout penser
que ce faux groupe est une échappatoire aux problèmes que les Beatles
connaissent avec la célébrité (arrêt de la scène, controverse avec l’Eglise,
Beatlemania…) : pour vivre heureux, vivons cachés derrière un faux groupe
et postichés de gros favoris ringards. La fanfare des Lonely hearts peut aussi être vue comme un hommage décalé à la
tradition victorienne anglaise, qui se retrouvera tant dans les paroles au
charme poussiéreux que dans la musique convoquant vieux instruments et
réminiscences de l’empire colonial britannique.
Sgt Pepper […] utilise tous les
instruments, sitar indienne, orgue de barbarie, anches, cordes classiques,
cuivres, en plus du classique triumvirat guitare, basse, batterie. Luxuriant :
c’est ce qui vient à l’esprit quand on écoute l’album : car outre les
arrangements florissants, les basses doublées et la variété de voix, des bruits
sont disséminés ça et là : animaux, réveil-matin, paroles inversées,
ultrasons pour faire « hurler les chiens » : tout y passe, même
la pochette débordant d’invités et renfermant des objets prédécoupés en cartons
se révèle un formidable fourre-tout. Ce disque est une jungle amicale et
colorée.
L’aspect désuet de la
fanfare, accentué par des chansons faussement démodées (« When I’m
64 » ; « With a Little Help […] ») ne doit cependant pas
faire oublier que l’album parle aussi de son époque. Une époque où l’on
commence à expérimenter toutes sortes de drogues (« Lucy in the Sky With
Diamonds », même si l’inspiration vient d’un dessin de Julian à son père
John), où la jeunesse rêve de liberté (« She’s Leaving Home »…).
L’Everest de l’album, « A Day in the Life », est lui-même composé de
titres d’articles de journaux et, dans sa structure (chanson du milieu en
irruption, crescendo improvisés par un orchestre incrédule), c’est bien le
chamboulement des traditions qui est à l’œuvre. Cela nous amène à parler de
l’écriture des chansons de Sgt Pepper (bien enchaîné, non ?).
Ecriture et
interprétations
Ce fut, en effet, le
dernier album où les Fab Four travaillèrent à l’unisson. Ensuite, les
dissensions, les rancoeurs apparaîtront. Mais pour l’instant, les quatre
avancent main dans la main, composant à quatre la traditionnelle chanson
pour Ringo (après « What Goes On » et « Yellow Submarine »),
Paul aidant John pour achever « Being For the Benefit of Mr Kite! »
et John incorporant une chanson inachevée de Paul au milieu de son « Day
in The Life ». Et même si McCartney a composé la majorité des chansons,
George Harrison a quand même pu faire partager son intérêt pour les cultures
orientales sur « Within You, Without You ».
Inspirations
multiples, comme si à leur pic créatif, la moindre feuille tombant d’un arbre
pouvait donner naissance à une chanson : les paroles de « […] Mr
Kite ! » s’inspirent d’une vieille affiche de kermesse que Lennon
possédait, comme « She’s Leaving Home » se base sur un fait divers
que Paul avait lu dans des actualités récentes.
Graffiti mural à Penny Lane, Liverpool |
Pour ce qui est du
prétendu concept de l’album, j’en ai peut-être un à proposer…Et si Sgt.
Pepper parlait de la vie quotidienne, et son corollaire, l’ennui ? La
vie monotone de banlieue, qu’eux connaissaient parfaitement, dans les faubourgs
de Liverpool, et qui avait donné, en mise en bouche, au double Face A :
« Strawberry Fields Forever / Penny Lane ». Le quotidien, auquel on
tente d’échapper avec une petite help
from one’s friends, avec les rêves et les drogues dans
« Lucy[…] », avec la fanfare municipale et le cirque qui amènent
l’animation dans le voisinage, ou bien en se rebellant : la fugue de
« She’s Leaving Home », le refus de l’autorité dans « Getting
Better ». L’ennui et la solitude pavillonnaire, on peut le faire voler en
éclat avec l’amour et la transe hindoue, c’est « Witihin You Without
You », composée par George avec l’aide de Klaus Voorman. Ce génial touche
à tout, rencontré à Hambourg au début des années soixante, alors photographe,
réalisa la pochette de Revolver et
jouera de la basse sur les meilleurs albums solos des ex-Beatles…
Mais revenons à nos
moutons. Finalement, ce quotidien, on l’accepte : on rêvasse en bricolant
dans son pavillon (« Fixing a Hole »), on s’ennuie dans son voisinage
peuplé de gens transparents comme dans « Good Morning, Good
Morning », on envisage sa vieillesse modeste quand « I Am 64 », on
drague « Rita » la pervenche (vive le charme discret et accessible de
la girl next door)…Et au bout du
compte, on se rend compte que le divertissement n’était qu’illusion, la
promesse de progrès et d’amusement pour tous les baby-boomers en maisons
individuelle n’est qu’un mirage, une imposture en papier mâché : c’est
l’arrivée des chœurs désincarnés de la « reprise ».
Le thème de l’ennui
colle d’ailleurs assez bien avec les conditions d’enregistrement : 129 jours,
une folie en comparaison des standards de l’époque, durant lesquels le groupe
multiplia les prises, empila les pistes, perfectionna le mixage, pour arriver à
ce bijou bariolé. Un travail parfois rébarbatif qui intéressait surtout Macca
et George Martin, quand les autres en étaient souvent réduits à attendre et
à trouver d’autres occupations : acide pour John, rêves d’Orient pour
George, apprentissage d’échecs pour Ringo…
Qu'est-ce qu'on fout ? On n'y est pas allés un peu fort sur les déguisements ? |
Le Finale
En achèvement de ces foisonnantes
et complexes compositions, le chœur des cœurs solitaires revient boucler la
boucle. Peut alors commencer la pièce maîtresse, l’œuvre dans l’œuvre, « A Day In The Life », qui échappe à
toute explication…Des paroles énigmatiques en cut-up parlant de mort violente et de faits divers, au milieu
desquelles s’immisce un couplet guilleret parlant de souvenirs d’école…Un chant
traînant accompagné d’une simple guitare sèche fantomatique résonnant dans le
néant…Tout un orchestre convoqué, pour qui les Beatles avaient préparé des
pochettes surprises (masques, serpentins…) qui accompagnaient une partition « opaque » :
à deux reprises, tous les instruments devraient jouer une montée ahurissante,
avant qu’un accord interminable n’accompagne « A Day In The Life » au
Panthéon de la musique. Balancez un piano du quinzième étage, genre Looney Tunes, vous n’obtiendrez pas un
tel fracas. La partition ne donnait pour le rise and fall de la fin
qu’une indication : « A partir de là, c’est comme vous voulez ».
Tout juste…Pour toute une génération qui écouta cette chanson et ce disque au
cœur d’une année très chargée en chefs d’œuvre (Piper At The Gates Of Dawn, Forever
Changes de Love, le premier Doors, le premier Jefferson Airplane, Are You Experienced…), il n’y avait plus
aucune limite à la créativité, toutes les barrières volaient en éclats.
Vous comprenez
certainement mieux l’avertissement liminaire : il est toujours dépréciatif
de décortiquer une œuvre. En regardant au microscope pour comprendre sa
gestation, la magie de l’ensemble s’étiole forcément. On se rend compte que « Good
Morning, Good Morning », avec son coq qui claironne, vient tout simplement
d’une publicité Kellogg’s, on découvre que ces moustaches improbables viennent
à l’origine d’un accident de voiture qui avait laissé Paul McCartney une belle
cicatrice au-dessus de la lèvre, qu’il a préféré dissimuler avec cette
fantaisie capillaire…Qu’importe. Les détails ont beau s’accumuler, en appuyant
sur Play, on oublie tout, jusqu’aux instruments qui semblent tous se mélanger,
et on plonge dans cette forêt d’harmonies.
Sgt Pepper est donc tout ça à la fois, un gros mélange.
Un album archi-emblématique de son époque, mais qui ne ressemble pas vraiment
aux autres productions de l’époque, mis à part le faux nom à rallonge. Un
disque que tout le monde a immédiatement fait sien (Hendrix, Joe Cocker,
Vanilla Fudge, ont joué et enregistré des reprises quasiment dans les secondes
qui suivirent sa parution) mais qui reste du pur Beatles : de la chaleur
des accords à l’évidence des mélodies en passant par la complexité des
sentiments exprimés, l’ensemble est totalement caractéristique des Fab Four et
s’inscrit dans la progression inexorable de leur œuvre vers la perfection. Des
chansons qui s’adressent à une jeunesse éprise de changement, d’évasion, mais
qui, en même temps, consolent ceux qui restent sur le bas-côté, qui ne
comprennent pas. A ce titre, « She’s Leaving Home » est totalement à
l’opposé des messages à la mode de l’époque, le mépris hippie pour les
« square » et les réacs.
Sgt Pepper est une
grande et glorieuse fête, où tout le monde est invité.
Ce qui se cache entre les sillons |
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